Notre histoire commence par une belle matinée pluvieuse de septembre, un dimanche. Monsieur et madame Virgilio, comme le veut le schisme catholique, assistaient à la messe du père Benetto à la basilica di San Nicola. Malheureusement pour ce dernier et malgré les contractions, Giuglia Virgilio avait quand même décidé d'accomplir son devoir de pieuse et fervente catholique en étant présente ce matin là. Ce qui devait arriver arriva : au milieu de l'édifice religieux, entre les cierges et la Madone, Elena Virgilio voyait le monde. Pour ce gai couple de jeunes mariés, cette naissance dans la maison du Christ était un gage de piété pour leur fille.

Et bien, comme quoi, la première impression n'est pas toujours la bonne.

Elena cliqua sur la petite croix rouge de la fenêtre de son navigateur favori. Passer trois heures par jour à faire tourner la petite roulette de sa sourie pour faire défiler les différents articles de 9gag, ça devenait trop pour elle, elle n'avait plus le temps à ça, une pile d'affaires à empaqueter l'attendait. Oui, ça y est, elle allait enfin pouvoir partir. Après une longue année à constituer son dossier entre les différents problèmes administratifs de la fac, elle allait pouvoir quitter l'Italie et s'envoler finir son master à Sydney. Les vieilles pierres du vieux continent, on peut dire que c'était pas son truc. Le design des villas océaniennes, ça, c'était ce qu'elle aimait ! Elle allait enfin quitter l'univers trop prude et religieux de sa famille qui ne la voyait que comme un vil résidu de la jeunesse décadente du XXI° siècle. Sortir boire le soir avec ses amis ? Quel affront ! Se voir tout aussi bien manger huitres que des escargots ? Oh, quel langage impie, ma pauvre fille. Tu brûleras en Enfer ! Tous ces discours sur l'importance d'une vie saine et pieuse pour enfin être réunis dans l'au-de-là, ce n'était pas sa tasse de thé ; elle préférait les paradis artificiels disponibles sur demande avec ses amis, de temps en temps. Après tout, ça ne fait pas de mal.

Une fois prête, ses cinq valises fermées et étiquetées, elle se mit en route pour l'aéroport. Par la fenêtre du taxi, toute sa vie passée à Bari défilait devant elle. Elle se souvenait de son premier amour, Ettore, son meilleur ami d'aujourd'hui, et de leur premier baiser sur la plage, par une belle nuit de printemps, alors qu'ils n'étaient encore que de jeunes collégiens. L'image de son père fou de rage lorsqu'il avait été convoqué dans le bureau du proviseur du lycée parce qu'elle avait été prise la main dans le sac par la concierge pendant qu'elle embrassait sa petite amie, Carlotta, dans la cours de l'établissement privé catholique. Elle se souvenait de se garçon de la fac qu'elle ne reverrai sûrement jamais, celui qu'elle lorgnait sans cesse en cours d'histoire de l'art. Mais cette vie était maintenant derrière elle. Une nouvelle s'offrait maintenant à elle.